Et le prix Nobel de littérature est attribué à… Patrick Modiano ! Pour des milliers de lecteurs en France et à travers le monde, cette récompense vient parachever une œuvre unique, basée sur la mémoire et l’art de dépeindre des « héros-fantômes » comme personne.
« Le Marcel Proust de notre temps… »
C’est par ces mots que Peter Englund, secrétaire perpétuel de l’Académie Suédoise en charge des prix Nobel a dépeint le quinzième Français récompensé par « le Nobel » de littérature.
Ce magicien de la mémoire et ce fabuleux conteur des destinées humaines se voit ainsi porté au firmament du monde des lettres. À 69 ans, ce romancier aussi mal à l’aise devant les caméras qu’inspiré devant une feuille de papier est récompensé pour son œuvre où les livres se répondent les uns aux autres comme dans une partie de ping-pong sans fin.
A priori simples d’accès, ses romans sont des exercices d’équilibristes, mêlant des personnages aux caractères, aux identités, aux sentiments observés, disséqués. Une œuvre fouillée mais pas fouillis, au contraire, d’une implacable précision. Ainsi, un critique littéraire avait remarqué que dans cinq des romans de Patrick Modiano, cinq personnages logés à différentes adresses étaient affublés du même numéro de téléphone : Auteuil 15-28. Une anecdote qui en dit long sur ce « jongleur littéraire » singulier, ce romancier dont l’accessibilité et la complexité en font un écrivain apprécié autant par le grand public que par le petit monde littéraire.
L’obsession de la mémoire
S’il est une présence récurrente dans tous les romans de Patrick Modiano, c’est bien la mémoire. Celle de l’Occupation notamment, mais aussi celle des années 50. Piochant dans des mondes révolus, il les exhume pour mieux les réinventer. Ses personnages traversent ses romans tels des fantômes charismatiques. Modiano ne les juge pas : il les observe, qu’ils soient Juifs ou collabos, escrocs, joueurs ou encore mythomanes.
Le paradoxe de Modiano est de nous présenter des univers et caractères tourmentés tout en nous faisant rêver. Une prouesse due à son style tellement épuré, à la fois haletant et mélancolique, caractérisé par cette recherche permanente de la « perfection de l’émotion ».
Depuis son premier roman « La place de l’Étoile » en 1968 jusqu’à son dernier « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » en passant par le Goncourt 1978 « Rue des boutiques obscures », Patrick Modiano n’oublie jamais de nous enchanter. Ce n’est pas un hasard si son œuvre est traduite dans une quarantaine de langues… Car la langue de Modiano est aussi belle qu’universelle.
Entrez dans « Le Réseau Modiano »…
Denis Cosnard est journaliste au Monde. Auteur d’un essai « dans la peau de Patrick Modiano », il décortique, sans jamais l’avoir rencontré (Modiano « ne préfère pas »…) le romancier nobélisé à travers un blog passionnant : Le réseau Modiano. Si vous avez quelques heures à perdre, ou plutôt à gagner, rendez-vous sans hésiter sur ce site pour « lire entre les lignes de Patrick Modiano »…
Par François Zerhat